07 / 02 / 2017

L’Institut National de la Transparence, de l’accès à l’information et de protection des données personnelles (Mexique) et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (France) ont été élus respectivement à la Présidence et à la Vice-Présidence du Réseau pour l’Intégrité par leurs pairs le 9 décembre 2016, pour un mandat de deux ans.

 

Message de M. Joel Salas Suarez, commissaire de l’Institut National de la Transparence, de l’accès à l’information et de protection des données personnelles

joelsalsasuarezLes évènements récents interrogent nos certitudes. Nous sommes les témoins d’un profond mécontentement des citoyens envers la démocratie et, dans le même temps, d’une demande de la renforcer. Il y a quelques années, au moment du Printemps arabe, des milliers de personnes manifestaient dans les rues pour exiger la fin de l’autoritarisme. Cependant, les effets de ces manifestations sont contradictoires. 2016 nous a ainsi particulièrement donné à réfléchir, en Europe comme en Amérique : l’élection de Donald Trump comme président des États-Unis, le Brexit, la difficulté à constituer une coalition pour gouverner en Espagne et l’abstentionnisme croissant lors des élections, notamment en Angleterre et au Nicaragua. Cette année a été également celle du « Oui » à la paix avec les FARCS en Colombie. En plus de ces évènements, certaines tendances s’aggravent, comme le changement climatique et l’accroissement des inégalités.

Chacun de ces évènements touche des individus, des personnes qui se tournent vers l’État à la recherche d’une sécurité non seulement physique mais aussi d’une autre nature, tel un père qui souhaite avoir la certitude que sa fille aura l’opportunité d’accéder à l’université, telle une mère qui veut l’assurance d’avoir de l’eau potable tous les jours ou une famille qui veut être certaine que l’État lui donnera des services de santé de qualité. Ce sont des demandes concrètes, de personnes réelles avec lesquelles nous cohabitons chaque jour. Et je voudrais souligner ici que ces demandes ont des destinataires précis, comme on dit au Mexique, avec un nom et prénom.  Nos décisions et actions, à nous, gouvernants, autorités et fonctionnaires, peuvent répondre à ces demandes.

Par conséquent, nous avons aujourd’hui besoin de deux révolutions démocratiques : l’une est politique et l’autre, éthique. La révolution démocratique doit être politique parce qu’aujourd’hui il n’est pas suffisant d’accéder au pouvoir par des élections transparentes, il est nécessaire qu’existent des règles, des outils et des espaces pour que la population contrôle l’exercice du pouvoir. Et, par ailleurs, la révolution doit aussi être éthique parce que nous, gouvernants, autorités et fonctionnaires, devons toujours exercer le pouvoir en étant guidés par une « éthique de la responsabilité ». Autrement dit, une éthique qui nous exhorte à répondre aux nécessités de la population et qui ancre notre légitimité, au quotidien, par les résultats de nos politiques publiques. Nous devons avoir à l’esprit que nos actions et omissions ont des conséquences sur le fonctionnement global de la société et dans les vies quotidiennes des personnes de nos municipalités et États.

Aujourd’hui, il faut une révolution démocratique, politique et éthique pour redéfinir dans la pratique quotidienne la notion d’État et les services qu’il apporte. En bref, la manière de faire notre travail doit permettre à la population de développer une autre manière de concevoir l’État, une autre forme de vivre la démocratie, une autre façon de voir son propre pays et, surtout, l’opportunité d’imaginer un futur sûr.

Je ne parle pas sur une abstraction ni n’appelle à une révolution vaine. Nos outils sont le droit à l’’accès à l’information publique, la transparence, la redevabilité, la participation citoyenne, l’éthique et l’intégrité. Nos objectifs sont que nos actions quotidiennes offrent de résultats de nature à améliorer la vie quotidienne des personnes.

Il ne s’agit pas d’une abstraction ou d’une révolution vaine. Nous avons déjà mis en œuvre des actions qu’il nous faut réformer, fortifier et accroitre ; par exemple, l’ONU, l’OEA, l’Union Européenne, l’OCDE ont construit des instruments légaux au niveau international pour guider la définition de politiques publiques visant à réviser ces systèmes de gestion et à promouvoir l’éthique publique. Le cas que je connais le mieux, c’est celui de l’OCDE. Cette institution a émis douze principes pour que ses membres promeuvent l’intégrité des fonctionnaires et puissent construire des structures qui permettent de définir, contrôler et améliorer leur comportement. Ils sont destinés à orienter l’action de façon à promouvoir des valeurs à travers un code de conduite, auquel les fonctionnaires publics sont sensibilisés et formés, en parallèle de cadres juridiques et institutionnels qui renforcent la transparence et le combat contre la corruption.

Mais les efforts isolés ne seront pas suffisants. C’est pourquoi je salue le lancement de ce réseau d’institutions pour la transparence, l’éthique et l’intégrité des responsables publics qui peut devenir un espace où nous travaillerons ensemble pour obtenir la transparence, l’éthique et l’intégrité.

Il n’y a pas de temps à perdre : Acceptons l’appel au lancement de ce réseau qui nous est fait.

Joel Salas Suarez

Message de M. Jean-Louis Nadal, Président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

nadalLe 9 décembre 2016, 14 institutions ont choisi de constituer le Réseau pour l’intégrité. Elles sont venues jusqu’à Paris depuis la Corée du Sud, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie, la Roumanie, la Lettonie, la Croatie, la Grèce, l’Italie, le Pérou et le Mexique. Tout comme la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, elles dédient leurs ressources et leur énergie à la promotion de la transparence, de l’éthique et de l’intégrité et à la lutte contre la corruption.

Cette date était éminemment symbolique. Partout dans le monde était célébrée la Journée internationale pour la lutte contre la corruption, un phénomène encore omniprésent et qui coûte chaque année plusieurs milliards de dollars. Autant de ressources qui sont détournées de leur utilité première et privent les citoyens des services auxquels ils pourraient prétendre. C’est une injustice qui crée d’importante distorsions et une défiance croissante des citoyens envers leurs institutions et leurs représentants. Au-delà de ce coût exorbitant et de ses impacts économiques comme sociaux, la corruption concerne tous les acteurs de la vie publique qu’ils soient des responsables publics, élus ou non élus, comme de simples citoyens.

Parmi les principaux leviers permettant de combattre efficacement les atteintes à la probité, nous pouvons en distinguer trois :

Tout d’abord, il s’agit de la transparence. Elle peut prendre de très nombreuses formes. Il y a tout d’abord la transparence des ressources des acteurs publics, avec des exemples de publications des déclarations de patrimoine comme en France ou en Ukraine. Elle prend également la forme d’initiatives en matière de transparence des décisions, avec notamment les mesures qui se multiplient en Slovénie, au Canada, en France, au Brésil pour des registres publics du lobbying et pour permettre aux citoyens du mieux connaitre son impact sur la fabrique de la loi. Il y a enfin également des dispositifs relatifs à la transparence des ressources budgétaires ou encore du financement politique.

Un autre vecteur de cette lutte réside dans la promotion d’une culture de l’intégrité. Les 14 institutions membres du Réseau pour l’intégrité s’y attachent sans relâche. La promotion et le renforcement de l’intégrité sont essentiels pour redonner confiance aux citoyens en leurs responsables publics. Elles nécessitent un travail, un apprentissage, un ancrage quotidien, par la sensibilisation, l’éducation et la formation, la prévention, le conseil et la diffusion des normes et, en dernier ressort, par la sanction.

Mais au-delà de la mise en œuvre de ces missions, au sein de chacun de nos pays, ce phénomène de corruption qui ne connait aucune frontière rend absolument nécessaire la mise en relation des institutions actrices du changement dans leur pays. La lutte contre la corruption et le combat pour une démocratie plus transparente, plus ouverte, sont des défis globaux et complexes, qu’aucune institution ne peut prétendre mener seule et à laquelle aucun d’entre nous ne peut trouver seul la solution. Nous avons besoin d’échanger, de partager pour renforcer nos institutions, nos méthodes, nos connaissances du phénomène en nous nourrissant du travail, des mécanismes, de l’expérience ou encore des recherches des uns et des autres. C’est donc pour faire face ensemble et plus forts à ce fléau que nous sommes désormais engagés au sein du Réseau pour l’intégrité.

Que ce Réseau permette rapidement à ses membres d’échanger et de trouver des pratiques à adapter et adopter, de nouvelles techniques et compétences et de nouvelles actions à mettre en œuvre, au niveau national comme international, pour consolider leurs dispositifs. Gageons aussi qu’il sera également un instrument permettant à ses membres de se prononcer d’une voix plus forte ou de partager un point de vue commun avec les organisations internationales et de la société civile pour participer à tous les niveaux à l’ancrage d’une culture d’intégrité dans la vie publique.

Jean-Louis Nadal